Priscille Noël: « Le combat pour le recul de la pauvreté demande un effort concerté »

par Presence Magazine
dans Édition 10

Priscille Noël, Chief Serving Officer of Lovebridge

Entrepreneure depuis l’âge de 20 ans, engagée dans le social depuis 2010, Priscille Noël est une femme d’action. Après sa transition de plain-pied dans le monde du Corporate Social Responsibility (CSR), elle prend la direction de l’Organisation Non Gouvernementale (ONG) Lovebridge en 2017. Son approche est empathique, sa vision méthodique. La lutte contre la pauvreté demande des stratégies qui répondent à des facteurs interdépendants, elle l’a bien compris.

Lovebridge œuvre ainsi pour l’autonomisation des familles et foyers défavorisés, tout comme leur valorisation sur le plan humain. Forte d’un réseau de collaborateurs solidaires – bénévoles, secteur public et partenaires privés – l’ONG construit des ponts entre les Mauriciens.

Priscille, par où commence-t-on pour encourager l’autonomisation des familles vulnérables ?

Une approche participative et un accompagnement psychosocial par des professionnels formés et expérimentés, sont essentiels au progrès des familles vulnérables. Nous proposons des solutions aux familles, mais ces dernières restent décisionnaires et responsables de leur projet de vie.

En parallèle de cet encadrement individuel, il faut également réfléchir à des changements au niveau systémique pour plus de justice sociale. Le développement inclusif, c’est aussi d’œuvrer pour ne laisser personne de côté !

Quelles sont ces solutions ?

La nature multidimensionnelle de la lutte contre la pauvreté demande des stratégies et des plans d’action qui répondent aux défis de plusieurs aspects fondamentaux interconnectés. La pauvreté n’est pas qu’une question de revenu, elle est aussi reliée à l’éducation, au logement, à l’alimentation, à la santé physique et mentale ainsi qu’à la motivation. L’équipe de Lovebridge apporte un soutien psychosocial aux familles afin de les aider à avancer sur chacun de ces piliers, avec un accent particulier donné au pilier de l’éducation, car le progrès scolaire des enfants reste clé.Lovebridge effectue des visites à domicile, accompagne les familles dans leurs démarches administratives ainsi que dans leurs recherches d’emploi et de logement. Elle soutient également les familles qui rencontrent des difficultés pour se nourrir ou se maintenir en bonne santé. Notre présence leur apporte enfin un soutien socio-émotionnel important. La solidarité, surtout en ces temps difficiles, joue un rôle majeur.

Les enjeux ont-ils évolué depuis la crise sanitaire ?

Malheureusement, l’île Maurice est confrontée aux mêmes défis que d’autres pays. La précarité semble, selon nos observations, s’accentuer sur le terrain en raison de l’impact économique de la pandémie. La pauvreté n’est pas non plus limitée à des zones géographiques spécifiques, communément appelées « poches de pauvreté », elle est disséminée. Mais les répercussions profondes de cette crise sanitaire restent à évaluer.

Comment mesurez-vous l’amélioration de la qualité de vie des familles prises en charge par votre ONG ?

Notre évaluation du progrès des familles se fait à travers un livret individuel qui regroupe plus de 150 indicateurs quantitatifs, relatifs aux six piliers sur lesquels intervient Lovebridge. Les équipes de terrains y inscrivent les données annuellement, permettant ainsi de constater des résultats tangibles. Un questionnaire qualitatif individuel est également administré aux familles bénéficiaires. Le rapport annuel de Lovebridge est une corrélation de ces deux groupes de données. Les résultats nous permettent d’améliorer et d’adapter continuellement nos interventions au contexte changeant pour l’année suivante, ce afin de toujours répondre avec pertinence aux besoins des familles.

Quel est le rôle de la communauté des affaires et des partenaires tels que le Groupe Rogers dans l’action inclusive d’une ONG telle que Lovebridge ?

Grâce au soutien de la communauté des affaires, les ONG obtiennent des ressources importantes pour la mise en œuvre et le suivi de projets à court, moyen et long termes. Sans cet apport, à la fois financier, logistique, matériel et en conseil, les interventions des ONG seraient moins étendues et toucheraient moins de monde.

Lovebridge bénéficie du soutien du Groupe Rogers depuis plusieurs années déjà pour développer ses activités dans le district de Savanne. Grâce à cette aide, plus de 22 familles – soit une centaine de personnes, dont plus de 60 enfants – ont pu être accompagnées.

Et comment s’organise la collaboration entre les différentes parties prenantes - ONG, communauté des affaires, secteur public - pour atteindre ces objectifs sociaux ?

différents acteurs de terrain et le travail en réseau est non seulement une nécessité mais représente une optimisation certaine des ressources disponibles. De ce fait, le renforcement de la collaboration société civile, secteur privé, secteur public et familles vulnérables reste indiquée. Le combat pour le recul de la pauvreté demande un effort concerté pour obtenir des résultats probants sur le long terme.

En avril 2021, Philippe Espitalier-Noël, CEO du groupe Rogers et président de la commission ‘Sustainability and Inclusive Growth’ de Business Mauritius, lançait un appel aux entreprises mauriciennes pour qu’elles adhèrent à SigneNatir. Ce pacte de développement inclusif promet un soutien accru aux ONG, familles vulnérables et employés des entreprises signataires en 7 volets.

Soutenir les ONG et groupes vulnérables, au-delà du financement ;
Encourager l’engagement et la participation des employés dans le développement communautaire ;
Assister les employés dans le besoin au sein de l’organisation ;
Défendre l’emploi inclusif ;
Promouvoir l’égalité des genres ;
Subventionner les projets à base communautaire et groupes vulnérables ;
Aider les entrepreneurs à développer le quatrième secteur, les entreprises sociales.