JULIUS AKINYEMI, RESIDENT ENTREPRENEUR, MIT MEDIA LAB
Après sa participation au récent « Women’s Forum Mauritius », Julius Akinyemi a été invité par Rogers à visiter le Domaine de Bel Ombre et à découvrir le projet de centre de ressources interactif sur les écosystèmes terrestres et marins. Il manifeste un vif intérêt à soutenir cette initiative ambitieuse.
Que retenez-vous de votre participation au « Women’s Forum Mauritius » ?
Je suis optimiste. Il y a tellement de femmes qui ont de belles et grandes réalisations, particulièrement en matière d’innovation. Nous Africains, hommes et femmes, craignons toujours de prendre des risques, parce que notre culture sanctionne l’échec au lieu de l’accepter. Ces femmes qui dépassent tout cela pour essayer d’innover et ne laissent aucun obstacle se mettre sur leur route me donnent l’espoir que l’Afrique a non seulement le potentiel, mais aussi les capacités requises pour mieux faire. Je pense que nous devons continuer à améliorer nos connaissances à travers le continent, ce que font déjà certaines de ces femmes. Elles ont surmonté les difficultés, elles ont réussi là où d’autres pensaient qu’il serait difficile pour elles d’y arriver et je pense que c’est crucial. Dans un même temps, certaines d’entre elles ont échoué en cours de route, mais n’ont pas laissé l’échec les dissuader d’avancer.
Vous avez également eu l’occasion d’assister à la présentation de Rogers sur l’« Interactive Land & Marine Research Centre » lors de ce forum. Que pensez-vous du projet ?
Je pense que c’est un projet fantastique. Lorsqu’on me l’a présenté, j’ai été carrément sidéré par son impact et son ampleur. C’est un projet très ambitieux, ce qui est admirable. Il traite en même temps d’un enjeu d’actualité en termes de viabilité environnementale. Il faut saluer le fait que Maurice, et plus précisément le groupe Rogers, s’attaque à une telle question. J’espère pouvoir apporter mes compétences dans toute la mesure du possible pour aider à le concrétiser, car je crois que Maurice donnera le bon exemple en faisant quelque chose de plus grand que personne d’autre n'aurait imaginé et en relevant un défi majeur à l’échelle mondiale dans un domaine où la plupart des pays craignent de s’aventurer. Il s’agit ici de se dire : « Nous prenons le risque, soyons novateurs dans ce que nous entreprenons. » C’est un problème mondial et il est vraiment louable de prendre les devants pour s’y attaquer. C’est quelque chose que j’admire personnellement.
Lors de la conférence, vous avez exhorté l’auditoire à ne pas attendre passivement que tout leur tombe du ciel...
Je l’ai dit que dans le sens où pour mieux prédire l’avenir, il nous faut l’inventer, pour citer Alan Kay. Ce que je voulais dire, c’est que nous Africains et petits États insulaires en développement n’avons pas besoin des autres pour venir résoudre nos problèmes. Cela revient à dire que nous savons ce que nous voulons pour notre avenir et que la seule façon d’y arriver, c’est de créer cet avenir nous-mêmes. Et ce projet s’insère parfaitement dans cette réflexion, même si je n’en étais pas au courant lorsque j’ai dit cela. C’est un bon exemple de prise d’initiative, où l’on se dit : « Je ne vais pas attendre les autres. Voilà ce que je dois faire et même si cela peut comporter des risques importants, j’irai de l’avant et je vais le faire. » Je crois fermement que ce sera une grande réussite, car en prenant les devants, tout le monde viendra prêter main forte et nous y arriverons.
Quels sont, selon vous, les facteurs essentiels au succès du projet ?
Le projet en tant que tel est énorme. L’un des défis à surmonter est de trouver les ressources financières adéquates et surtout, les bonnes personnes avec les compétences essentielles nécessaires. Ces deux défis peuvent toutefois être surmontés facilement, parce tout le monde pense que c’est quelque chose qui doit être fait. En prenant les devants, c’est un signal qui est envoyé au reste du monde que nous sommes prêts, que nous n’allons pas attendre les autres et que nous allons créer notre propre avenir dès maintenant. C’est pourquoi tout le monde se ralliera autour du projet pour le faire avancer. C’est pourquoi je dis qu’il nous permet de construire notre propre avenir plutôt que d’attendre que quelqu’un d'autre le fasse à notre place. Dans la plupart des cas, lorsque les autres le font à votre place, vous n’avez pas ce que vous voulez. Il vaut donc mieux le faire vous-même pour avoir exactement ce que vous aviez en tête.
Où peut-on trouver les ressources ?
L’on s’attend à ce qu’un petit État insulaire, en raison de sa taille, ait des ressources limitées en termes de compétences essentielles. Parmi les choses à faire, il faut attirer des chercheurs et étudiants de haut calibre non seulement des autres îles, mais aussi de certaines des meilleures universités du monde. Nous allons les contacter afin de nous assurer d’avoir les bonnes personnes. Maurice est un endroit fantastique pour n’importe quel visiteur. C'est ma première fois dans l’île et j’ai totalement adoré. Je pense que pour n’importe qui, avoir l’occasion de passer du temps ici pour effectuer des recherches serait un privilège. Et nous pouvons tirer profit d’un tel atout pour attirer les chercheurs les plus brillants afin d’aider à résoudre les problèmes. Je pense qu’il ne sera pas très difficile de trouver les bonnes personnes.
PORTRait
« Celui qui n’échoue pas n’a pas suffisamment essayé »
D’origine nigériane, Julius Akinyemi est entrepreneur en résidence depuis 2008 au MIT Media Lab, laboratoire de recherche interdisciplinaire du Massachusetts Institute of Technology aux États-Unis, qui se consacre à des projets de convergence des technologies, du multimédia, des sciences, de l’art et du design. Il est le fondateur et CEO d’UWINCorp Inc., qui met l’accent sur la création d’un environnement visant à permettre aux pays africains de libérer la richesse qui réside dans les actifs « dormants » du continent par le biais d’un registre électronique des actifs et d’une bourse de marchandises mobile qui en favorisera le commerce. « Vous donnez ainsi un nom et une présence sur le marché national à ces personnes. Nous sommes en train de les intégrer au secteur des transactions financières formelles et, ce faisant, elles créent de la richesse, qu’elles peuvent ensuite faire grandir. »
Julius a également été membre du Groupe d’étude des Nations unies sur les TIC et a occupé des postes de direction informatique chez PepsiCo, PanAm, et Wells Fargo, entre autres. « Cette expérience diversifiée m’a permis de beaucoup apprendre dans le sens où la valeur que vous apportez à la communauté dans son ensemble est l’accumulation de ce que vous avez appris et perfectionné. Au fil des années, j’ai appris que vous ne pouvez pas vous reposer sur vos lauriers. Vous devez continuer à viser de nouveaux sommets. » Il croit également que la prise de risques est nécessaire pour faire de nouvelles choses et les faire différemment. « L’échec ne devrait pas être considéré comme quelque chose qu’il faut sanctionner. Il devrait être pris comme une opportunité de se perfectionner. Au MIT Media Lab, nous disons à nos étudiants qu’ils doivent échouer et échouer rapidement, puis se rattraper, car celui qui n’échoue pas n’a pas suffisamment essayé, ce qui signifie que vous n’avez pas suffisamment repoussé vos limites. »