LAURENCE TUBIANA, FRENCH AMBASSADOR FOR INTERNATIONAL CLIMATE NEGOTIATIONS
Laurence Tubiana, représentante spéciale française pour la Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21) en 2015 à Paris, comptait parmi les intervenants au « Women’s Forum Mauritius ». Elle se dit frappée par la qualité des intervenants et la diversité des pays présents.
Y a-t-il vraiment un espoir après le COP 21 ?
Oui, quand même, parce qu’on a changé de période et je pense que cela, tout le monde le reconnaît. On n’a plus besoin de négocier un accord. Il faut maintenant mettre en œuvre, trouver les financements, identifier les projets, faire que les pays fassent leurs plans à eux, ce qu’ils veulent faire, comment cela se traduit dans leurs politiques et dans leurs investissements économiques. Tout le monde a en tête maintenant : « Qu’est-ce qu’on fait de différent ? »
Qu’en est-il de l’accès aux financements ?
De plus en plus maintenant, ces financements sont là. Il y a une confiance grandissante des investisseurs privés qui, évidemment, sont aussi aidés par les investissements d’institutions publiques internationales et des donateurs. Une bonne partie dépendra tout de même de la capacité des pays à faire des plans solides pour qu’on voie où ça va aller et du coup, attirer ces financements publics et privés. Pour certains pays, il faudra sûrement un petit peu d’aide en matière d’expertise pour finaliser ces projets, parce qu’ils ne sont parfois pas tout à fait mûrs pour le faire. On n’est plus du tout dans le même monde, notamment concernant les énergies renouvelables. Personne ne pense que c’est plus risqué que le charbon, les investisseurs commencent à avoir l’habitude de financer cela et donc, je crois que pour l’île Maurice et pour les îles en général, c’est une fantastique opportunité.
Quelles sont vos impressions sur le « Women’s Forum Mauritius » ?
Je connais surtout celui qui se tient en France. C’est la première fois que je vais dans un tel forum ailleurs et je trouve très intéressant. Je suis très frappée par la qualité des intervenants en particulier et la diversité des pays qui sont présents. C’est une grande réussite, je crois.
Comment la tenue d’un tel forum dans une île, à un moment où l’on parle de l’impact du changement climatique sur les petits États insulaires, peut-il aider ?
Ce forum est d’abord pour les femmes qui ont des responsabilités économiques et politiques, mais c’est intéressant que l’environnement en soit le sujet. Je crois que c’est vraiment lié au fait qu’il ait lieu dans une île et qu’il rassemble beaucoup de personnes qui viennent des îles. Une bonne vingtaine de pays insulaires sont représentés et ils apportent au débat international à la fois des niveaux de développement très différents, mais aussi la préoccupation d’être très fragiles par rapport aux événements environnementaux et à la nécessité de protéger les ressources sur un petit territoire. Je crois beaucoup au rôle des îles de ce point de vue.
Le groupe Rogers prévoit de créer un centre de ressources interactif sur les écosystèmes terrestres et marins, qui sera une première dans la région. Les petits États insulaires peuvent-ils servir d’exemple aux plus grands en prenant les devants et en mettant en place de telles structures ?
Absolument. Pour les petites îles, le fait de passer de la position de victimes qui subissent les impacts à celle où elles disent : « Voilà ce qu’on veut faire, voilà notre plan, voilà notre décision et voilà nos propositions », cela change tout. Et vraiment, je pense que c’est le moment.
Portrait
Née en 1951 à Oran (Algérie), Laurence Tubiana est diplômée de l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris et Docteur en sciences économiques. Actuelle directrice de la chaire développement durable de Sciences Po. Paris, elle est fondatrice et directrice de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) à Paris. Elle est aussi coauteure du livre « Anticiper pour s’adapter – Le nouvel enjeu du changement climatique » et membre du « China Council for International Cooperation on Environment and Development » (CCICED) et du Conseil scientifique du Centre d’études et prospectives d’informations internationales (CEPII). Officier de La Légion d’Honneur, elle a été officiellement nommée ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique en juin 2014. Chargée de négocier l'accord international conclu en décembre 2015 à Paris lors de la conférence sur le climat (COP 21), elle est, depuis janvier 2016, « championne de haut niveau » pour le suivi des engagements de la COP 21.