Philippe Espitalier-Noël: « Nous voulons offrir les meilleurs services aux investisseurs »

Directeur général de Rogers, Philippe Espitalier-Noël est aux commandes d’un des principaux acteurs économiques de Maurice. Le groupe, fort de 110 ans d’activités pour la plupart pionnières, emploie 4 000 personnes, à travers 52 implantations dans 12 pays et réalise environ 300 millions d’euros de chiffre d’affaires par an. A ce titre, il contribue à façonner le présent et l’avenir du pays, surtout connu aujourd’hui comme une destination touristique de qualité. Cette présence forte du pays dans les esprits de ceux qui le visitent – et de ceux qui aspirent à le faire – est un puissant levier, estime-t-il, pour ce petit territoire insulaire de près de 2 000 kilomètres carrés, riche de 1,3 million d’habitants, culturellement connectés avec leurs origines dans l’ordre chronologique : l’Europe occidentale, l’Afrique et Madagascar, la péninsule indienne et le sud-ouest de la Chine.

Les relations ancestrales et renouvelées qu’entretient Maurice avec ces pays lui offrent la possibilité de rappeler à ses hôtes du moment qu’elle a d’abord été, comme le rappelle sa devise, « L’étoile et la clef de l’océan Indien », passage obligé et stratégique sur la route des épices, de l’or et de la soie, entre l’Occident et l’Orient. Depuis l’époque des Compagnies des Indes Orientales jusqu’à l’ouverture du canal de Suez, le pays a prospéré en s’imposant comme une étape incontournable sur les principaux axes commerciaux.

Comme beaucoup de ses compatriotes, Philippe Espitalier-Noël ne doute pas que l’avenir de son pays doit s’inscrire dans le prolongement de cette histoire glorieuse. Maurice peut et doit maintenir cette position stratégique à l’heure de l’intensification des échanges entre les trois pôles économiques et humains où demeurent ses racines : le continent africain riche de ses ressources naturelles et en quête d’investissements durables ; l’Asie du sud-est, riche de ses capitaux et de son dynamisme, et l’Occident riche de son savoirfaire et à la recherche de nouveaux débouchés.

C’est avec cette vision sociologique, historique et géopolitique que le DG de Rogers oriente les directions des différentes entités du groupe. Son but est clair : offrir aux investisseurs qui se positionnent à Maurice les meilleurs services qu’ils puissent attendre d’un pays qui a maintes fois prouvé, depuis son accession à l’indépendance en 1968, l’acuité de la vision de ses dirigeants politiques et économiques à conduire une politique de développement à la fois pragmatique et visionnaire.

Philippe Espitalier-Noël, vous affirmez que Rogers, dont vous êtes le directeur général, veut faire rayonner les compétences mauriciennes à l’international avec, entre autres relais, le magazine PRESENCE. Pouvez-vous nous en parler ?

Après plus d’un siècle d’existence, Rogers s’inscrit comme un pionnier et un leader dans l’économie de Maurice. Nous avons toujours été un groupe diversifié, avec quelques particularités comme l’aérien. Le nom de Rogers est associé à la création, il y a une quarantaine d’années, de la compagnie nationale Air Mauritius, dont nous sommes toujours le principal actionnaire privé. Nous sommes aussi connus dans ce domaine pour représenter commercialement, à Maurice et dans plusieurs pays de la région, une douzaine d’autres transporteurs : Air France, South African Airways, Kenya Airways, Malaysian Airlines, Jet Airways (Inde), Saudi Arabian Arilines, Olympic Airlines (Grèce), Air Link (Afrique du Sud), Delta Airlines Cargo (Etats-Unis), Gulf Air, Air Madagascar et Air Seychelles. La force de Rogers est aussi d’avoir été l’entreprise qui a autant investi dans les métiers du tourisme à Maurice, et depuis dans d’autres destinations, notamment à travers les groupes hôteliers Veranda, Heritage et Beachcomber. Nous sommes aussi présents historiquement dans l’immobilier, aujourd’hui à travers nos filiales Foresite et Ascencia, et depuis longtemps aussi dans la logistique, avec des activités à tous les niveaux de la chaîne, regroupées depuis quelques années sous notre marque Velogic. Nous participons à notre manière au désenclavement du pays et à l’accueil des investisseurs. Pour prolonger ces actions et leur donner plus d’ampleur, nous nous sommes alignés stratégiquement avec l’axe de développement le plus récent du pays : le secteur financier. Nos différentes branches sont regroupées sous le label CIM. Nous intervenons aussi au profit de grands noms dans la gestion à distance de certaines de leurs opérations. Avec 52 bureaux dans 12 pays à ce jour, et d’autres qui vont ouvrir prochainement, nous sommes résolument tournés vers des offres de services à l’international. Pour preuve, la moitié de notre chiffre d’affaires, qui s’élève à près de 300 millions d’euros, est réalisée aujourd’hui avec des clients non domiciliés à Maurice. Notre volonté est de nous étendre davantage pour devenir un acteur incontournable dans l’espace économique de l’océan Indien qui comprend nos îles et leurs voisines mais touche aussi l’Afrique du Sud et de l’Est d’un côté, l’Inde et l’Asie de l’autre. PRESENCE est un outil de promotion de notre savoir-faire. Une façon de donner de la visibilité à l’ensemble de nos solutions à notre clientèle. Nous voulons lui offrir la plus large image possible de ce que nous sommes et de ce que nous proposons. Chacun de nos partenaires est ainsi en mesure de se faire une idée d’ensemble de la panoplie de services qu’il peut utiliser. Cela vaut aussi bien-sûr pour les investisseurs qui ne nous connaissent pas encore.

Concernant les investisseurs basés à Maurice ou qui envisagent de le faire, vous prétendez leur offrir tous les services et les meilleurs. Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?

Nous travaillons tous azimuts pour construire un positionnement à dix ans d’une île Maurice capable d’offrir une panoplie de services de la meilleure qualité. Nous mettons d’abord en avant un réseau de relations crédibles et privilégiées, principalement avec l’Europe. Nous voulons aussi nous étendre dans la zone économique de l’océan Indien au sens large, tel que je l’ai précisé précédemment, en tenant compte de l’intérêt croissant des pays asiatiques pour l’Afrique et des états africains pour l’Asie. Nous sommes donc engagés dans des actions triangulaires, en développant plus de partenariats avec l’Afrique et l’Asie. Nous nous appuyons sur les atouts solides de notre pays. La République de Maurice et une trentaine d’états sur les trois continents que j’ai cités ont ratifié un traité de non-double imposition. Ces engagements donnent de l’attrait à notre secteur financier qui est soumis à une fiscalité douce et avantageuse. A cela s’ajoutent les accords douaniers avec la plupart des pays d’Afrique australe et de l’Est avec qui nous avançons sur la voie de l’intégration. Et, comme je le disais, nous sommes signataires d’accords de partenariat économique avec l’Union Européenne et d’autres engagements bilatéraux avec les deux autres pays dont notre peuplement est originaire : l’Inde et la Chine. Dans ce cadre, chez Rogers, nous avons choisi de nous recentrer uniquement sur les métiers qui sont au coeur de notre avenir. De ce fait, nous sommes organisés pour offrir un « guichet unique », ce que l’anglais appelle le « one stop shop ». Par exemple, au sein de notre plateforme offshore, nous regroupons les services d’administration de compagnies et de holdings, la gestion d’actifs et de fonds ainsi que les produits disponibles dans notre portefeuille d’assurances. Nous proposons à nos clients de ces services financiers un accompagnement avec notre structure logistique et réciproquement. Nous les invitons aussi à recourir à notre centre d’appels pour leur relation-clientèle et tout un ensemble de services transactionnels en B2B et B2C. Notre panoplie d’offres permet d’agir en profondeur et sur le spectre complet des affaires, depuis le conseil juridique jusqu’à la structure opérationnelle. Un autre exemple : en matière logistique, nous traitons le fret, en transit et dédouanement, mais nous intervenons aussi en soutien des grosses implantations. Avec notre opérateur de Singapour, nous pouvons désormais affréter des navires, renouant ainsi avec un de nos métiers originels, le transport maritime. A nos clients qui nous confient le transport de marchandises, nous suggérons aussi d’utiliser les services de billetterie que nous développons en tant qu’agent général des ventes de compagnies aériennes. Ainsi, une grande compagnie minière australienne implantée en Afrique que nous avons appuyée logistiquement sur des gros projets, fait désormais voyager ses salariés par l’intermédiaire de nos services aériens. En connectant l’émission de billets avec nos plateformes téléphoniques et informatiques, nous sommes maintenant en mesure de proposer, partout dans le monde, la vente de voyages. Nous avons commencé par Maurice. Aujourd’hui, notre marque Blue Sky est présente au Mozambique, à Mayotte et à la Réunion. Elle sera bientôt déployée dans d’autres pays de la région. Avec les outils de communication qui font des bonds phénoménaux et les avantages concurrentiels que sont nos connections avec l’Europe, l’Asie et l’Afrique, nous pouvons désormais vendre directement nos produits touristiques. Ce qui va nous permettre de valoriser nos autres investissements, comme ceux engagés sur le domaine de Bel Ombre.

Jean-Luc Naret, ancien directeur général des Guides Michelin, prend la direction de vos activités sur le domaine de Bel Ombre. Comment êtes-vous arrivé à ce choix ?

Comme toutes les destinations, Maurice a un besoin constant d’innovation et de plus de visibilité. Jean-Luc Naret est un professionnel qui connaît, pour y avoir participé de manière pragmatique, la mise en forme et le lancement de l’esprit de qualité attaché à la destination Maurice. Son parcours s’est depuis enrichi d’un réseau unique dans le tourisme haut de gamme et l’univers du luxe. Dans la compétition actuelle, c’est une opportunité pour le pays, comme pour Rogers, de pouvoir tirer profit de ses atouts. La décision s’inscrit dans le droit fil de l’émergence de Bel Ombre, comme une destination de grande qualité. Le domaine arrive au terme de sa première phase de développement. Il compte aujourd’hui deux hôtels 5 étoiles et 130 villas de luxe, un golf de compétition internationale, deux spas, 11 restaurants, un beach club et une réserve naturelle, le tout intégré dans un espace préservé de 1500 hectares, entre les montagnes et le lagon du sud-ouest de l’île. C’est un produit d’une très belle finition. Nous allons prendre le temps nécessaire à la réalisation d’autres développements, comme la construction de villas additionnelles et d’autres structures d’hébergement qui viendraient compléter de manière intéressante l’existant. En attendant, nous voulons valoriser cette destination dans la destination, en tant que lieu de vacances mais aussi comme un espace de travail pour les investisseurs qui choisissent d’y vivre ou de s’y poser, pour réunir leurs partenaires autour d’eux et régler leurs affaires dans un cadre où se conjuguent calme, luxe et volupté. Bel Ombre illustre parfaitement ce positionnement stratégique que nous mettons en avant et qui vise à concilier, là où se rencontrent les cultures de trois continents, des offres d’investissement judicieux, des modes de gestion efficaces et une qualité de vie inédite.

S’il semble effectivement judicieux d’investir à partir de Maurice, qu’en est-il des opportunités d’investissement à Maurice, notamment dans l’immobilier ?

Bailleurs et gestionnaires de fonds, quelle que soit leur origine, tous les observateurs s’accordent à dire que l’immobilier mauricien est une valeur sûre. Chez Rogers, nous nous employons à donner du crédit à ces analyses. Nous développons des structures qui offrent des rendements jugés très intéressants par les investisseurs. Dans le secteur résidentiel, comme les villas du domaine de Bel Ombre, il y a déjà eu des reventes qui ont donné lieu à de très confortables plus-values. S’ils le souhaitent, les propriétaires qui ne vivent pas sur place, peuvent aussi inscrire leur bien dans un programme de gestion locative. Pour la promotion de leurs offres comme pour le service hôtelier délivré aux locataires, ils bénéficient des standards 5 étoiles de la marque Heritage. On peut difficilement imaginer mieux. A travers notre filiale Foresite, nous opérons aussi dans la gestion d’immeubles de bureaux et d’autres à usage commercial. A titre d’exemple, nous sommes propriétaires des deux centres commerciaux qui abritent les plus grands hypermarchés de Maurice, exploités par l’enseigne régionale du groupe Casino, ainsi que des galeries marchandes attenantes, où sont représentées quelques-unes des plus belles marques mondiales comme Sony, Nike, Guess, McDonald’s, Kentucky Fried Chicken et Pizza Hut notamment. Pour la gestion financière de ces actifs immobiliers à usage professionnel, nous avons créé un fonds de placement. Introduit à la fin de l’année 2009, sur le second marché de la Bourse de Port Louis, il est valorisé à près de 50 millions d’euros. La cote des actions d’Ascencia, c’est son nom, est aujourd’hui supérieure de 30 % à la valeur d’émission et nous avons déjà distribué des dividendes d’une valeur augmentée de 20 % par rapport à nos engagements. Nous sommes pionniers dans ce domaine à Maurice. Cela s’inscrit dans notre démarche de durabilité du développement, au même titre que les actions que nous accompagnons dans le cadre de la responsabilité sociale de nos entreprises.

Au-delà des avantages concurrentiels, des projections stratégiques et des opportunités offertes par les marchés, existe-t-il, selon vous, des particularités qui caractérisent le développement économique d’aujourd’hui et de demain, à Maurice et au sein du groupe Rogers ?

Les équipes de Rogers reflètent la pluralité de Maurice qui elle-même rappelle, dans une large mesure, la diversité du globe. Je suis très fier d’être Mauricien et citoyen du monde à la fois. J’aime l’idée de retrouver des clients et des amis à l’étranger, partager leur mode de vie et ensuite revenir à Maurice où nous avons la chance de profiter d’un espace démocratique, dans un pays où règne une véritable liberté de penser. Je crois que Maurice abrite beaucoup de talents et j’apprécie chaque jour de voir que dans la plupart des familles, on est accroché à l’éducation des enfants, au développement de la personne, surtout dans le plus jeune âge. Nous pouvons seulement regretter que par la suite, il n’y ait pas une culture de l’apprentissage plus affirmée. Il me semble que ce qui caractérise nos entreprises, c’est la capacité de chacun à reconnaître la valeur de l’autre. Nous ne sommes pas toujours les meilleurs individuellement, mais avons une approche collective honnête. Les partenariats se font dans la confiance ou ne se font pas. Enfin, à titre très personnel, j’espère toujours que toutes les personnes qui rencontrent nos équipes ont ensuite envie de venir vivre et travailler à Maurice ou dans la région.

photos : manoj nawoor

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