Hugues Vitry: « Pour une aquaculture responsable »

Après avoir goûté à l’ivresse de la plongée dès sa plus jeune enfance à Souillac, sur le littoral sud de l’île Maurice, Hugues Vitry en a fait sa profession. Infatigable explorateur du monde sous- marin, il met en garde contre l’exploitation projetée des eaux mauriciennes pour l’aquaculture hors lagon.

photos : hugues vitry | marc fermon

« Nous savons que le gouvernement souhaite faire de l’économie bleue un pilier économique. Il faut toutefois le faire en bonne intelligence et bien gérer nos ressources, qui ne sont pas inépuisables. La mer est un environnement que nous ne contrôlons pas, tant au niveau du temps que de son capital. Une exploitation excessive nous ruinerait à très court terme. Nous avons l’exemple du Sénégal, qui a finalement dû expulser les thoniers de l’Union européenne », soutient le plongeur professionnel Hugues Vitry, fondateur et directeur du Blue Water Diving Center, situé à Trou-aux-Biches, dans le nord-ouest de l’île Maurice.

Cette mise en garde vise directement l’exploitation projetée du territoire marin mauricien pour des projets de fermes aquacoles hors lagon. « Il ne faut pas être contre l’aquaculture, ce serait une grosse erreur ! À mon avis, c’est la solution de l’avenir, mais il y a plusieurs facteurs à prendre en considération afin d’éviter de faire n’importe quoi. »

Ce fils d’instituteur, qui a hérité d’une passion de la mer transmise dans la famille, s’interroge sur la viabilité de tels projets. « Nous avons en moyenne sept à neuf tempêtes maritimes de forte intensité ou cyclones chaque année. Je doute que les cages résistent !

En sus des pertes financières que cela occasionnera, les cages finiront sur les récifs en cassant tout sur leur passage sous les fortes houles. » Il cite aussi un projet similaire entrepris à l’île voisine de La Réunion.

« Les fermes aquacoles de la baie de St-Paul n’ont fait qu’accumuler des pertes depuis 20 ans et maintenant, les cages sont laissées à l’abandon au large dans un état déplorable. »

Selon lui, il y a également des risques de pollution causée par la nourriture recomposée qui sera utilisée et les déjections de poissons de culture, ainsi que la prolifération de prédateurs. Hugues Vitry, qui a été membre du bureau exécutif de la Confédération mondiale des Activités subaquatiques de 1995 à 2000, propose comme alternative de déplacer les fermes aquacoles sur terre. Cela, pense-t-il, permettrait de mieux surveiller les installations, d’intervenir même en cas de tempêtes et de contrôler la pollution, ainsi que le mouvement des poissons d’élevage. Il suggère également d’élever des poissons herbivores plutôt que carnivores, car « ils sont plus faciles et plus rentables à nourrir ». Cela permettrait, parallèlement, de cultiver des algues pour les nourrir. « Les algues, étant naturelles, ne pollueraient pas autant que les granulés, qui coûtent cher et qui détruisent encore plus de poissons dans nos océans. »

« Si l’on veut gérer nos ressources, il faut commencer à planifier, mais aussi accepter que la mer n’a pas de frontière et que tout se calcule de façon globale », conclut-il.

 

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