Un peuple métissé, une mer turquoise bordée de kilomètres de plages de sable fin et des palaces à faire rêver. Cette image idyllique perdure depuis des décennies, faisant de notre île une destination mondialement prisée. Pourtant, habitée par la passion et l’envie de nouveauté, elle persiste à se réinventer, quitte à se défaire des clichés de la vie insulaire. Inspirée d’ici et d’ailleurs, sa scène culturelle subit une véritable transformation et brille comme jamais auparavant.
Nouvelles ambitions
Quel autre moyen que l’art et la musique pour comprendre le développement d’une société ? Le traditionnel séga, dont les percussions de ravane sont une composante clé de la scène musicale mauricienne, n’est pas l’unique genre. Du rock au jazz en passant par l’électro et la fusion, la nouvelle génération, fière de ses origines et se nourrissant de celles des autres, a la fibre expérimentale. Il en est de même pour toutes les expressions artistiques où l’éclectisme s’exprime avec une liberté surprenante. « Avec l’avènement de l’Internet et des réseaux sociaux, les jeunes sont exposés à de nombreux styles et, par conséquent, produisent des sons qui ne viennent pas entièrement d’ici, mais qu’ils se sentent appelés à jouer », explique Stephan Jauffret-Rezannah. Directeur du label Jorez Box, œuvrant pour la création d’un marché de la musique, Stephan se souvient de « l’émergence de la scène alternative, créative et recherchée » il y a environ sept ans.
Après des échanges avec l’Indian Ocean Music Market (IOMMA) à l’île de la Réunion, est née la Mauritius Music Expo (MOMIX), une plateforme d’échange et de formations ouverte aux acteurs culturels. Même si elle tient une place importante dans le cœur des Mauriciens, la musique avait jadis le statut de hobby, au grand regret de certains artistes. Le MOMIX vise ainsi à la professionnaliser et à promouvoir son exportation dans le monde.
Parallèlement, qu’il s’agisse de la production, de la communication et de la commercialisation d’une œuvre, Jorez Box est passé au niveau supérieur. « On s’est rendu compte que notre modèle artisanal ne fonctionne pas toujours au-delà de nos côtes. À travers les rencontres et les voyages, nous avons pris conscience de nos forces et lacunes et nous avons structuré notre approche afin de nous rapprocher davantage des normes internationales. C’est ce qui permet aujourd’hui à nos artistes de participer à des festivals de musique de renom et d’aller en tournée, comme le fait actuellement Eric Triton (N.D.L.R. : le bluesman national), en Europe », se réjouit Stephan Jauffret-Rezannah.
La tournée, une étape essentielle pour les artistes, permet ainsi d’exposer leur musique à un nouveau public et de briser les stéréotypes. C’est le défi qu’a relevé le groupe Patyatann lors d’une tournée en France et en Suisse plus tôt cette année. Le quartet de jeunes qui propose un style envoûtant, inspiré des sonorités africaines, occidentales et orientales, a sorti, en 2016, un premier album intitulé Sanpek. Celui-ci, composé de dix titres, associe les instruments du pays à l’erhu chinois et au zeze d’Afrique subsaharienne.
Patyatann, le quartet de jeunes qui propose un style envoûtant inspiré des sonorités africaines, occidentales et orientales, a sorti, en 2016, un premier album intitulé Sanpek.
L’ère des festivals
D’autres acteurs culturels de secteurs confondus adhèrent à ce mouvement de création. De grands rendez-vous divertissants, outre les rassemblements de musique, rythment désormais la vie des Mauriciens : festival de court-métrage, ateliers littéraires, expositions d’art contemporain. Tous instaurent un véritable dynamisme social sur toute l’année aux quatre coins de l’île.
Ce boom voit par ailleurs la naissance de manifestations artistiques d’un nouveau genre avec les objectifs de valoriser le patrimoine, stimuler la créativité des jeunes et ouvrir le dialogue pour une île Maurice aussi « smart » que dynamique. Parmi elles, le festival Porlwi se place en véritable précurseur depuis sa première édition en 2015. Inspiré en partie de la Fête des Lumières de Lyon, cet événement d’envergure internationale, tenu sur trois jours dans la capitale, suscite la curiosité de milliers de Mauriciens et de touristes. Ce festival fait souffler un vent de fraîcheur et permet d’apporter un nouveau regard sur l’île sur le plan international.
Grâce au travail de l’Akademi Kreol Morisien, le créole possède dorénavant sa graphie, soigneusement enseignée à l’école.
Fierté nationale
La valorisation de la langue créole marque elle aussi un tournant important dans l’évolution de la culture mauricienne. Faisant partie intégrante de notre identité, elle n’a pas toujours connu des jours glorieux, mais force est de constater les efforts mis en place pour lui donner ses lettres de noblesse. « Il y a malheureusement cette idée que le créole, langue des esclaves, n’est qu’une langue orale et qu’elle n’a pas la même qualité littéraire que l’anglais et le français », déplore Michel Ducasse, poète mauricien. À travers son recueil Enn Bouke Bwa Tanbour (Éditions Vilaz Metis, 2017), il réussit pourtant à bousculer ces idées reçues,en traduisant avec une qualité exceptionnelle 26 poèmes de grandes plumes telles que Charles Baudelaire, William Shakespeare, Louis Aragon, Rabindranath Tagore ou encore Jacques Prévert.
Grâce au travail de l’Akademi Kreol Morisien, le créole possède dorénavant sa graphie, soigneusement enseignée à l’école. Du côté de la musique, l’on ne manque pas de célébrer cet héritage au point de renforcer le sentiment de fierté au sein de la population. Cette tendance se manifeste également au cœur des établissements hôteliers et chez les tours-opérateurs où l’on se fait une fête de faire découvrir les richesses de cette langue maternelle aux touristes, plus que jamais curieux d’aller au-delà de la carte postale.
Ainsi, animé par le désir de s’ouvrir au monde et de lui dévoiler ses nombreuses facettes, l’île Maurice est bien partie pour séduire des générations encore. Différemment, certes, mais avec encore de belles surprises.