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PÈRE PEDRO OPEKA: « LE TRAVAIL PERMET DE CASSER LE CERCLE VICIEUX DE LA PAUVRETÉ »

Père PEDRO OPEKA, FOUNDER OF THE ASSOCIATION AKAMASOA IN MADAGASCAR

Après avoir passé 27 ans aux côtés des plus démunis à Madagascar et arraché des milliers d’enfants à la rue et à la décharge d’Antananarivo, le père Pedro dit espérer qu’un jour, manger, s’instruire et se soigner ne seront pas un privilège, mais un droit pour chacun d’eux.

Quel est votre constat de la situation à Madagascar 40 ans après votre arrivée dans le pays ?

Ce pays est devenu trois fois plus pauvre. Lorsque j’y suis allé pour la première fois en 1970, il y avait 30 % de pauvres. Aujourd’hui, la Banque mondiale dit que 92 % des Malgaches ont moins de $ 2 par jour, qui est le seuil de pauvreté en Europe ou en Amérique. À Madagascar, vous ne pouvez pas vivre avec moins de $ 2 par jour, le gasoil. L’essence, les médicaments, tous les matériaux de construction sont plus chers qu’à l’île Maurice ou en France.

Après toutes ces années, qu’est- ce qui vous pousse à continuer ?

Les enfants, les milliers d’enfants innocents, surtout quand j’en ai un peu marre des mensonges et des déceptions. On peut les aider à devenir des citoyens à part entière. Et c’est ce qu’ils deviennent, parce que parmi les enfants que j’ai vus dans la décharge il y a 27 ans, il y en a qui sont aujourd’hui médecins, gestionnaires, professeurs et instituteurs. Et c’est eux qui prennent la relève maintenant. Dieu m’a donné un temps assez long pour pouvoir former d’abord mes coéquipiers, qui sont autour de 500 et qui, à leur tour, ont formé les 13 000 enfants que nous avons arrachés à la rue et à la décharge. Nous avons créé une ville de 25 000 habitants avec les pauvres et pour les pauvres. Une ville qui est propre, reboisée, avec des fleurs, des espaces sportifs, où il y a tout ce qu’il faut, l’adduction d’eau, l’électricité... Nous avons aussi trois cimetières, parce que nous accompagnons les plus pauvres jusqu’au bout du chemin.

Que peuvent faire les entreprises dans tout cela ?

Qu’elles donnent une partie de leurs profits ou de leurs richesses. Quand je voyage aujourd’hui, je ne cherche pas de vêtements, mais de l’aide financière pour pouvoir tout de suite donner du travail à mon retour à Madagascar. C’est à travers le travail que les gens vont avoir de l’argent, devenir autosuffisants et scolariser leurs enfants, les soigner, les faire manger à leur faim. C’est le travail qui est le moteur qui permet de casser le cercle vicieux de la pauvreté. J’ai dit à mes frères malgaches : « Si c’est pour vous assister, je pars aujourd’hui même. Je vous aime trop pour vous assister. »

Votre action vous a valu une renommée internationale. Cela vous a-t-il aidé ?

C’est difficile de nous toucher maintenant. À l’époque, quand nous avions un dictateur à Madagascar, Mme Mitterrand venait nous rendre visite et c’était un soutien moral très fort. Aujourd’hui, quand les politiciens viennent nous visiter et qu’ils voient un peuple debout, quand ils voient les enfants qui chantent, qui ont retrouvé la fierté, la joie de vivre, ils sont eux-mêmes conquis. Ils me disent de continuer. Je ne pense pas avoir d’adversaires ou d’ennemis autres que l’extrême pauvreté et l’indifférence.

Quel est votre regard sur l’avenir ?

Il y a assez de nourriture pour tout le monde, mais on jette des millions de tonnes d’aliments parce que la nourriture est devenue aussi un moyen de spéculation. J’espère qu’un jour, les Nations unies vont vraiment diriger le monde et que manger, s’instruire et se soigner ne seront pas un privilège, mais un droit pour chaque enfant. J’espère qu’un jour, peut-être que je ne le verrai pas, les humains vont se rendre compte que les enfants de l’île Maurice, de Madagascar, indissociables, la présence d’Inde, de Chine ou d’Amérique d’attractions diverses étant ont la même dignité et le droit à à l’origine du déplacement un avenir. C’est le minimum qu’on de nombreux visiteurs. peut faire. Il faut que la justice soit Accompagnant l’essor du ancrée un jour dans le cœur de tourisme, le secteur des loisirs chaque être humain, mais pour le à l’île Maurice a connu des moment, c’est la compétition qui gagne.

Et qu’est-ce que vous aimeriez laisser comme héritage ?

La fraternité et le partage. Celui qui, lors de son passage sur Terre, ne s’est pas senti frère des autres humains aura raté sa vie. Et celui qui n’a pas su partager est passé à côté du bonheur, parce que pour être heureux, on ne peut qu’être avec les autres.

« TENDRE LA MAIN AUX AUTRES »

Né le 29 juin 1948 à San Martín, chef-lieu d’arrondissement de la province de Buenos Aires en Argentine, Pedro Pablo Opeka est un religieux catholique lazariste. « Pour chaque enfant en Argentine, le football est la passion n° 1. En même temps, j’ai toujours été très interpellé par la parole de Dieu, par l’évangile et la personne de Jésus, l’ami des pauvres. L’expérience que j’ai eue dans la Cordillère des Andes avec les indiens Mapuches m’a confirmé à 17 ans d’entrer dans la prêtrise pour tendre la main aux pauvres », dit-il. À 22 ans, après avoir complété une première partie de sa formation en Slovénie, le pays d’origine de ses parents, il demande à partir pour Madagascar, car il veut travailler de ses mains, étant maçon et fils de maçon. « J’y ai travaillé pendant deux ans, comme tout le monde. Ce pays m’a conquis et je me suis dit que j’y reviendrai quand je serai prêtre. » Et c’est ce qu’il fait en 1976, l’année suivant son ordination. « Après 15 ans, j’étais malade, fatigué de voir tant d’enfants mourir, tant de mamans mourir en donnant la vie, je voulais partir.» Sa communauté lui demande alors de devenir directeur de formation des futurs prêtres malgaches à Antananarivo. « Je suis allé me soigner en Europe et une semaine après mon retour, j’étais déjà dans la décharge avec un millier d’enfants qui se disputaient les ordures avec les cochons et les chiens. Je suis resté sans parole, je n’avais pas le droit de parler, il fallait agir. » C’est ainsi que naît l’association Akamasoa qui, après être partie de rien, compte aujourd’hui 18 villages, avec près de 300 000 individus touchés, 2 600 maisons et appartements bâtis, ainsi que 324 classes dans une trentaine d’écoles neuves. Coauteur de deux livres avec l’abbé Pierre, le père Pedro a également figuré parmi les nominés pour le Prix Nobel de la paix en 2013.

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