Presence 03 – Éditorial

La précédente édition de notre magazine mettait en lumière l’importance des services logistiques, incluant le transport maritime et le port, dans la circulation des biens nécessaire à la bonne marche de l’économie mauricienne. Nous poursuivons dans la même optique en abordant comme thème principal un autre secteur de poids et d’enjeux, l’aviation. La contribution de professionnels du domaine nous permet de fournir quelques éléments de repères tout en suggérant des pistes de réflexion.

En un peu plus d’un demi-siècle, l’aviation commerciale est devenue fondamentale dans le développement économique mondial. Malgré un faciès séduisant, cette activité n’a que peu d’exemples de succès dans la durée et le secteur est à un moment charnière de son évolution. L’insularité du pays rend d’autant plus crucial le sujet du lien avec l’extérieur à travers une connectivité aérienne efficace, qui joue pleinement son rôle de levier du développement économique.

L’île Maurice a une très belle histoire aérienne et touristique depuis plus de 50 ans. Les capacités se développent aussi actuellement pour se projeter dans l’avenir, avec la disponibilité prochaine d’une infrastructure aéroportuaire et routière en nette amélioration, un parc hôtelier de grande qualité, mais sous-utilisé, ainsi qu’une diversification grandissante du produit touristique.

Le nombre de sièges vers la destination a diminué de 7 % depuis 2007. Durant la même période, la capacité de l’hébergement a augmenté de quelque 30 % et le taux d’occupation des hôtels du pays a baissé de 14 points, passant de 76 % en 2007 à 62 % en 2012 et les prévisions pour 2013 sont de l’ordre de 60 %. En attendant, durant cette période de crise, les « load factors » à l’aérien sur la destination ont, elles, progressé sur plusieurs routes, y compris la France, se rapprochant des niveaux les plus élevés de l’industrie. De plus, il ne fait même plus débat que l’approche de promotion de la destination est complètement dépassée depuis plusieurs années.

Le diagnostic d’une inadéquation entre la capacité d’accueil et les arrivées touristiques est clair. La stratégie nationale permettant de maximiser le retour sur les investissements publics et privés consentis reste néanmoins discutable. Or, cette équation est fondamentale pour permettre une contribution maximale du secteur touristique à la croissance du PIB du pays, qui pourrait physiquement accueillir plus de 500 000 visiteurs additionnels par an. Cela résulterait en un total de plus de 4 millions de nuitées, contribuant potentiellement quelque Rs 20 milliards (environ ¤ 500 000) annuellement à notre économie. Comment combler ce déficit de visiteurs ? Nous devrions commencer par approfondir notre compréhension des éléments susceptibles de générer un plus grand flux de passagers. Une étude pointue est plus que jamais nécessaire pour nous donner une vision claire des indicateurs qui influent en ce moment sur l’attractivité de l’île Maurice en tant que destination touristique, ainsi que comme espace de connectivité pour le fret et les voyageurs. Une telle étude pourrait porter sur des éléments tels que le choix des liaisons et des fréquences aériennes, surtout en période de forte demande, ainsi que l’incidence de la politique de prix des billets d’avions et des diverses taxes.

Se basant sur des faits, cette étude permettrait-elle de régler les questions urgentes, d’élever le débat, de transcender les intérêts particuliers et de mobiliser objectivement les différents acteurs influents du secteur autour de la recherche d’une vraie solution ? Pour suivre la tendance économique mondiale, l’île Maurice doit multiplier ses efforts, savoir réinventer son produit touristique et protéger de manière tangible ses attributs tropicaux naturels. Nous devons repenser la qualité de notre promotion, conquérir de nouveaux marchés et faire vivre aux clients de nouvelles expériences. Pour ce faire, nous devons aussi consacrer les ressources financières nécessaires afin d’accroître la connectivité et les fréquences de connexion avec le reste du monde. Enfin, il faut nous replacer en position de gagnant dans l’ère moderne et cesser de vivre de nos acquis en faisant du copier-coller.

Il s’agit surtout ici de mettre en place une stratégie intégrée répondant aux impératifs touristiques, et allant bien au-delà. L’augmentation de la capacité aérienne, avec des appareils de nouvelle génération offrant une consommation de carburant inférieure de 20-25 % et desservant l’île à des prix concurrentiels émergera, sans aucun doute, comme un élément crucial parmi tant d’autres. L’effet d’une révision du prix relatif par rapport aux destinations concurrentes serait un accroissement du flux touristique en capturant une part plus importante de la demande latente.

Une stratégie à la hauteur des ambitions du pays devra répondre au double objectif de maintenir notre souveraineté aérienne et d’augmenter, rapidement et sur le long terme, les flux vers la destination. Ici, une modification du mandat et en conséquence, du rôle actuel d’Air Mauritius pourrait se révéler salvatrice pour l’économie du pays à plus d’un compte.

Les retombées économiques découlant de l’application de manière définitive des conclusions et recommandations de l’étude que nous préconisons seraient significatives. Leurs effets apporteraient un nouveau souffle et une contribution essentielle à la pérennisation des emplois, à la solidité de notre économie et à la croissance nationale.

Philippe Espitalier-Noël
Chief Executive Officer

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