Presence 04 – éditorial

Si la tendance concernant la concentration atmosphérique de gaz à effet de serre se poursuit, la température moyenne mondiale pourrait dépasser les niveaux préindustriels de 3°C à 6°C d’ici à 2050, excédant l’objectif convenu à l’échelle internationale d’une limitation du réchauffement global à 2°C. Dépasser ce seuil entraînerait une altération des régimes pluviométriques, une fonte accrue des glaciers et du permafrost, une montée du niveau de la mer, ainsi qu’une augmentation de l’intensité et de la fréquence d’événements météorologiques extrêmes. La capacité des populations et des écosystèmes à s’adapter pourrait alors être mise en danger.

C’est un tableau bien sombre que dressent les Perspectives de l’environnement de l’Organisation de Coopération et de Développement économiques (OCDE) à l’horizon 2050. Cette étude publiée en 2012 évalue les impacts sur l’environnement si l’humanité ne prend pas de mesures plus ambitieuses pour mieux gérer nos ressources naturelles. Un tableau toutefois très réaliste, qui ne laisse aucune place à l’inaction, car la dégradation et l’érosion de notre capital environnemental naturel risquent d’entraîner « des changements irréversibles qui pourraient mettre en péril les acquis de deux siècles d’amélioration des niveaux de vie ».

La menace est d’autant plus grande pour un petit État insulaire comme l’île Maurice. À l’énorme défi du réchauffement climatique s’ajoute la forte pression exercée par les activités tant marines que terrestres sur les ressources côtières et marines. Certains facteurs de dégradation de cette biodiversité sont naturels, mais d’autres, d’origine anthropique, résultent de l’activité humaine. Il semble plus que nécessaire de freiner ce déclin à travers une gestion plus efficace, mais surtout une prise de conscience collective, afin de permettre un changement de mentalités et de comportements de tout un chacun.

Rogers est un acteur majeur du développement économique et social dans le pays depuis plus d’un siècle. Nous sommes fermement convaincus que la poursuite de ce développement est inextricablement tributaire de la viabilité environnementale. Notre pays dispose de ressources naturelles d’une valeur écologique immense, mais aussi d’une valeur socio- économique élevée qu’il nous faut préserver à tout prix. Le concept de développement durable et celui de la protection de l’environnement commencent d’ailleurs à faire leur chemin dans les entreprises mauriciennes.

Notre groupe lui-même possède un riche patrimoine naturel et la pérennité de nos activités économiques en dépend grandement. Après un engagement fructueux dans la lutte contre le VIH/Sida de 2007 à 2013, nous avons décidé de recentrer nous efforts sur l’environnement côtier et marin de l’île en y consacrant une enveloppe de Rs 50 millions (environ € 1,2 million) et en appliquant une méthodologie qui a déjà fait ses preuves. Chacun de nos secteurs d’activité a choisi un domaine d’intervention et des actions concrètes sur une période de cinq ans pour apporter un changement tangible.

Ces initiatives relevant de la responsabilité environnementale, sociale, mais aussi économique de l’entreprise cadrent entièrement avec le projet Maurice Île Durable 5E (Énergie, Environnement, Emploi, Éducation, Équité). Elles peuvent aussi contribuer à un changement de mentalité et par effet d’émulation, mobiliser davantage d’énergies et de ressources pour ce vaste chantier qu’est l’environnement.

Nous apportons également notre contribution à l’effort de sensibilisation à travers le dossier principal de la présente édition de PRESENCE, qui traite le sujet de manière étayée, en sollicitant le point de vue d’une vingtaine d’interlocuteurs-clés tant au niveau national qu’international. Il en ressort que s’il existe déjà une prise de conscience chez les parties prenantes – tant les autorités publiques que les acteurs privés et organisations non gouvernementales – ce n’est cependant que de petits pas dans la bonne direction.

L’heure n’est plus simplement aux constats, aussi éloquents soient-ils, et l’urgence est plus que jamais évidente. Au-delà de la planète, la conscience environnementale est plus que jamais essentielle pour les petits États insulaires comme Maurice. L’enjeu est vital et nous devons accélérer le processus de sensibilisation tout en engageant rapidement un nombre significatif de nouvelles actions, pour avoir un impact réel le plus rapidement possible.



Philippe Espitalier-Noël
Chief Executive Officer
Rogers & Co. Ltd

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