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Alexandre Fayd’herbe: « Poursuivre notre expansion régionale »

Précurseur dans le secteur de l’aviation depuis bientôt 70 ans, Rogers s’est transformé au fil des années en un fournisseur de solutions complètes à Maurice et dans la région. Le CEO de Rogers Aviation, Alexandre Fayd’herbe, explique comment ce pôle d’activités a su s’adapter pour répondre aux enjeux du secteur.

Alexandre Fayd’herbe, ceo - Rogers Aviation /// photos : manoj nawoor

Quel est votre constat de l’évolution de l’aviation commerciale depuis l’incursion de Rogers dans ce secteur en 1945 ?

L’aviation est clairement le secteur qui a connu l’évolution la plus spectaculaire des dernières décennies. Elle est souvent associée à la fierté nationale d’un pays. Elle a permis à l’homme de voler. Mais surtout, ce secteur créé pour soutenir le développement économique a évolué à tous les niveaux de la chaîne de valeur, que ce soit les types d’appareils, les infrastructures aéroportuaires, la technologie, le nombre et le profil des voyageurs, ainsi que les techniques et méthodes de vente.

Certains avions ont marqué leur époque. Le Boeing 747, par exemple, pouvait prendre plus de passagers et aller plus loin. Il y a aussi eu le supersonique Concorde et aujourd’hui, l’Airbus A380. Certains pays ont su repenser leur rayonnement régional grâce à l’aviation, comme le développement de l’aéroport de Dubaï, qui a actuellement une capacité d’accueil de 75 millions de passagers par an, alors qu’il y a encore quelques années, les aéroports ne pouvaient accueillir qu’une dizaine de millions de passagers pour les plus gros.

A l’île Maurice, l’évolution aussi a été spectaculaire depuis le premier vol d’Air France – appelé autrefois Réseau des lignes aériennes françaises – en 1945, qui ralliait Maurice à Paris en une semaine et 14 escales. En 1967, nous avons vécu la création d’Air Mauritius. On est passé du Piper Navajo au Twin Otter, puis aux ATR et aux Airbus, avec une plus grande capacité et une plus grande portée. Nous sommes passés des vols avec plusieurs escales aux vols directs. Le pays a été capable d’accueillir de plus en plus de touristes et de permettre à sa population d’explorer les possibilités qu’offre le monde pour se développer économiquement.

Le nombre de compagnies aériennes qui desservent le pays et les fréquences des vols ont aussi augmenté. Certaines compagnies ont laissé place à d’autres, comme la BOAC qui a fusionné avec British European Airways pour former British Airways. D’autres, comme Qantas ou Virgin Atlantic, sont venues, puis sont reparties et d’autres encore, comme Air France ou South African Airways, sont toujours là.

A la place du petit aéroport de Plaisance, nous avons désormais un nouveau terminal qui pourra accueillir jusqu’à 4,5 millions de passagers par an. Autrefois, prendre l’avion était un phénomène de société, qui mobilisait tout un village. Aujourd’hui, on quitte sa maison le matin, on part pour l’ île de la Réunion et on rentre le soir même.

Rogers a accompagné l’évolution de ce secteur. Ayant démarré comme agent général d’Air France en 1945, il a représenté toutes les compagnies aériennes qui se sont posées à l’île Maurice pour leurs activités commerciales passagers et fret ainsi qu’aéroportuaires, jusqu’à initier la création de la compagnie d’aviation nationale.

Une citation que j’aime bien est révélatrice de cet état de fait : « Les solutions d’hier ne peuvent répondre aux défis de demain. » Les choses évoluent et continueront d’évoluer dans ce secteur.

Sachant que le marché mauricien est relativement étriqué, comptez-vous poursuivre l’expansion régionale entamée depuis une vingtaine d’années ?

Forts de cette expérience acquise au fil des années dans les métiers de l’aviation, nos prédécesseurs avaient effectivement décidé d’élargir les activités de Rogers Aviation à la région. La première extension s’est effectuée vers Madagascar en 1995, suivie du Mozambique en 1998 et par la suite, La Réunion, les Comores, Mayotte, le Kenya et l’Afrique du Sud.

Notre incursion en Afrique nous a vite fait prendre conscience que nous avions une vraie valeur ajoutée à apporter à ce continent en matière de savoir-faire et d’expérience. Nous avons stratégiquement maintenu l’Afrique comme la plate-forme vers laquelle nous souhaitions étendre notre rayonnement. Il y a encore quelques années, on nous prenait pour des fous parce que les références en termes économiques étaient la Chine et l’Inde. Aujourd’hui, notre analyse de marché de l’époque nous a donné raison : l’Afrique connaît un boom économique intéressant et attire les plus grandes multinationales de tous horizons. La richesse de son sol, ainsi qu’une nouvelle stabilité politique et sociale dans beaucoup de pays, ont fait changer la donne. Il est prévu que d’ici à 2030, 250 millions d’Africains se retrouveront dans la catégorie des revenus moyens, avec suffisamment de ressources pour voyager.

Certains de nos partenaires aériens ont d’ailleurs partagé avec nous leur ambition d’agrandir leur réseau pour desservir au moins une ville dans chaque pays d’Afrique sur les trois prochaines années. Les transporteurs aériens du Golfe s’intéressent aussi au continent et commencent à desservir certains pays africains, à l’instar de Qatar Airways, qui propose désormais des vols vers le Mozambique.

Pour toutes ces raisons, nous poursuivrons l’expansion de nos activités dans la région et continuerons de faire ce que nous avons fait stratégiquement et historiquement, c’est-à-dire accompagner nos partenaires dans leur déploiement stratégique de la manière la plus efficace et la plus fiable qui soit.

Notre expansion s’effectue sur deux plans, d’un côté en étendant notre activité vers de nouveaux pays d’Afrique orientale et subsaharienne et de l’autre, en proposant de nouvelles activités dans les pays où nous sommes déjà présents.

Le secteur de l’aviation passe actuellement par une zone de turbulences. Que faites-vous pour vous adapter à la nouvelle donne ?

L’industrie mondiale de l’aviation passe effectivement par des moments difficiles depuis de nombreuses années déjà, en fait depuis les événements dramatiques du 11 septembre 2001. Les compagnies aériennes et tour-opérateurs ont constamment perdu de l’argent.

a situation a été amplifiée par la flambée des prix du carburant, l’évolution des taux de change et la compétition de plus en plus féroce que font les compagnies « low-cost » aux transporteurs traditionnels sur des marchés matures. Cela a provoqué des rapprochements, notamment entre Air France et KLM en Europe et entre plusieurs compagnies américaines ces dernières années. D’autres rapprochements font actuellement l’objet de discussions. Les compagnies aériennes sont obligées d’opter pour de telles formules, ce qui occasionne du même coup la révision des modèles opérationnels. L’impact sur nos activités est direct, puisque ces compagnies se voient contraintes de réduire leurs coûts drastiquement et un de leurs principaux coûts est celui de la distribution. Les commissionnements sont passés de 9 % à 7 %, puis à 0 %, avec des répercussions sur les autres acteurs de l’industrie. Les lignes aériennes privilégient aussi les ventes directes à travers leurs sites Web.

Cette réalité mondiale est visible au niveau de la région et de l’Afrique également. Les compagnies aériennes de la région sont en proie à de graves difficultés financières. Elles ont du mal à être à l’équilibre depuis plusieurs années. Les compagnies « low-cost » sont aussi en train de pénétrer certains marchés comme l’Afrique du Sud et le Kenya. Fragilisées, les compagnies aériennes sont poussées à se réinventer et à revoir leurs modèles, avec un impact direct sur nous en tant qu’intermédiaire ou revendeur-distributeur.

Pour atténuer l’incidence de ces changements, nous investissons dans la technologie et diversifions nos activités. Le centre de contact que nous opérons en partenariat avec BlueLink, une filiale d’Air France, offre un soutien technologique à nos partenaires et à nos clients. Nous développons de nouvelles activités liées à l’aviation, comme la représentation dans la région du système de réservation centralisé (GDS) Sabre et un service de visas et d’agences de voyages.

Nous revoyons également nos process pour améliorer notre qualité et notre productivité, tout en nous implantant dans de nouveaux pays et en diversifiant notre clientèle.

Les nouvelles technologies ont considérablement changé la donne ces dernières années. Qu’avez-vous fait précisément pour suivre le pas ?

La technologie, c’est l’avenir de ce métier. Nous avons apporté les dernières technologies dans les pays où nous opérons : sites Web transactionnels pour les agences de voyages à La Réunion et à Maurice et les croisières en catamaran, un outil de réservation en ligne pour les voyages d’affaires.

Grâce à Sabre, nous proposons la technologie GetThere® aux entreprises qui recherchent une solution Web pour organiser eux-mêmes leurs voyages et contrôler leurs coûts. Dans deux pays, nous nous sommes associés à un grand réseau mondial, spécialiste du voyage d’affaires, et pourrons nous appuyer sur son expertise.

Nous assurons également une présence sur les réseaux sociaux, avec des retours positifs ; il faut savoir que 80 % de nos futurs clients se trouvent aujourd’hui sur ces réseaux et c’est un très bon moyen de les toucher. Le plus important, c’est de développer un positionnement et une compétence dès aujourd’hui.

Quelle est votre stratégie pour l’avenir au niveau de Rogers Aviation ?

Rester le partenaire de choix pour l’industrie dans cette partie du monde grâce à notre stabilité, notre fiabilité, notre expertise et la valeur que nous créons pour nos actionnaires et partenaires. Outre la poursuite de notre expansion en Afrique, nous comptons devenir la référence dans la région en tant qu’opérateur en ligne. Nous allons aussi renforcer nos compétences humaines, car dans un secteur de services comme le nôtre, tout repose sur le facteur humain, la qualité et la compétence de nos équipes.

De la comptabilité à l’aViation

Né en 1967, Alexandre Fayd’herbe est titulaire d’un BCom (Hons) et est un expert-comptable agréé par le South African Institute of Chartered Accountants. Il a travaillé pendant 7 ans chez Andersen, en Afrique du Sud, avant de se joindre à Rogers Aviation en 2001 comme General Manager - Finance & Administration. Il a été nommé Managing Director en octobre 2006, puis Chief Executive Officer en octobre 2010.

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