Traduire les intentions en actions

Un grand nombre de politiques, de lois, de règlements et de directives ont été élaborés pour assurer la propreté, la santé et la productivité de l’environnement naturel mauricien. Le problème semble toutefois résider dans les lacunes et les incohérences dans la législation, ainsi que la fragmentation de compétences, couplées à la dispersion des responsabilités institutionnelles et à une mise en œuvre et une application insuffisantes par rapport aux enjeux actuels et futurs.

photos : reef conservation | françois rogers | coi | eugène vitry
marianne cramer | jc guerri | andrew harcourt
albion fisheries research centre

L’environnement côtier et marin représente une ressource importante pour un petit État insulaire comme l’île Maurice. Diverses parties prenantes sont actives chacune à son niveau pour promouvoir une utilisation durable des ressources côtières et la préservation de la biodiversité marine.

es autorités publiques, par exemple, agissent à travers divers ministères, dont ceux de l’Environnement, de l’Agro-industrie par le biais du National Parks & Conservation Service et le service des Bois et Forêts, ainsi que de la Pêche, qui chapeaute le Centre de recherche halieutique d’Albion. Ce centre organisé en quatre départements – conservation marine, aquaculture, laboratoires et sciences marines – est l’aile technique du ministère pour la recherche appliquée. Le service de conservation marine, qui gère les six réserves de pêche créées à Port-Louis, Poudre-d’Or, Poste-Lafayette, Trou-d’Eau-Douce, Grand-Port et Rivière-Noire, ainsi que les parcs marins de Blue-Bay et Balaclava. Les aires marines protégées à l’île Maurice, incluant les réserves de pêche et parcs marins, couvrent une surface totale de 7 190 hectares.

« Le parc marin de Blue-Bay est déjà démarqué physiquement par des bouées de différentes couleurs pour chacune des zones. À Balaclava, les différentes zones ont déjà été identifiées, mais elles doivent encore être démarquées. Des permis sont octroyés uniquement pour les activités autorisées dans ces parcs sous les Fisheries & Marine Resources (Marine Parks) Regulations afin d’en préserver la biodiversité », explique Mira Hurbungs, Divisional Scientific Officer. Les écosystèmes de ces parcs marins sont toutefois sujets à différentes pressions. Ce département traite aussi les études d’impact environnemental (EIA), particulièrement pour les développements projetés sur le littoral et dans le lagon.

Un programme de surveillance à long terme de l’écosystème des récifs coralliens est mené sur des sites spécifiques autour de l’île. Un projet-pilote pour la réhabilitation des coraux endommagés a aussi été mis en place sous l’Africa Adaptation Programme en 2010 à Albion, puis étendu à Trou-aux-Biches, à Pointe-aux-Sables et aux deux parcs marins de l’île. Le bouturage des coraux est effectué sur des tables de culture en milieu marin. « Les résultats ont été très positifs et c’est une lueur d’espoir pour une réhabilitation graduelle des coraux », ajoute Mira Hurbungs.

Un autre projet d’envergure entrepris depuis quelques années par le département d’aquaculture est l’élevage marin (Marine Ranching). Celui-ci consiste en la récupération d’alevins, qui sont élevés au centre de recherche halieutique d’Albion jusqu’à ce qu’ils atteignent une taille raisonnable, avant d’être relâchés en mer ou remis à des coopératives de pêcheurs pour l’élevage en cage.

D’autre part, la qualité de l’eau du lagon est contrôlée par les laboratoires du centre selon des paramètres chimiques et microbiologiques. Une assistance technique à la replantation de mangliers, des campagnes d’éducation et de sensibilisation, des formations, une participation à des événements liés à l’environnement, des visites d’écoliers et de groupes de personnes âgées, ainsi que des journées portes ouvertes à l’occasion font aussi partie de la palette d’activités entreprises.

Le bouturage de coraux est également effectué en laboratoire par le Mauritius Oceanography Institute (MOI), un organisme parapublic opérant sous l’égide du Bureau du Premier ministre. L’institut conseille le gouvernement sur la formulation et la mise en œuvre de politiques et de programmes dans le domaine de l’océanographie. L’Institut entreprend et coordonne aussi la recherche et le développement dans ce domaine.

Un certain nombre d’autres initiatives ont été mises en œuvre. Outre l’arsenal juridique existant pour la gestion des zones côtières, de nombreuses activités sont contrôlées par le mécanisme d’EIA et de rapports préliminaires sur les incidences environnementales. Il y a également l’élaboration d’un cadre pour la gestion intégrée des zones côtières et une étude sur les zones écologiquement vulnérables.

L’extraction de sable du lagon est, en outre, interdite depuis les années 1990 et des travaux de réhabilitation ont été entrepris ces dernières années pour freiner l’érosion des zones côtières. La protection des mammifères marins, dont l’observation est devenue une activité touristique rentable, a aussi été renforcée. D’autre part, des mesures ont été mises en place pour une gestion durable du secteur de la pêche. L’île Maurice compte également une réserve de biosphère à Macchabée/Bel-Ombre et trois sites Ramsar – le sanctuaire d’oiseaux migrateurs de l’estuaire du ruisseau Terre-Rouge, le parc marin de Blue-Bay et Pointe-d’Esny – pour la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides et de leurs ressources.

Le projet Maurice île Durable 5E (Énergie, Environnement, Éducation, Emploi et Équité), lancé en 2007 et présenté en juin 2012 à la Conférence internationale Rio+20, exprime pour sa part une vision à long terme du développement économique, environnemental et social intégré du pays. Le principal objectif est de faire de Maurice un modèle de développement durable au niveau mondial, en particulier dans le contexte des petits États insulaires en développement (voir également l’interview de Joël de Rosnay à la page 32).

Les entreprises du secteur privé sont, elles aussi, un soutien important dans le domaine de la préservation de l’environnement côtier et marin à travers leurs programmes de responsabilité sociale. Outre des actions ponctuelles mobilisant leur personnel, elles apportent un accompagnement financier et logistique à des actions de terrain d’organisations non gouvernementales (ONG) dédiées à la cause comme Reef Conservation, la Mauritian Wildlife Foundation, Eco-Sud et la Mauritius Marine Conservation Society. Conscients de la nécessité de préserver l’atout touristique que représente l’environnement marin et côtier de l’île, certains opérateurs du secteur – hôtels, centres de plongée, agences réceptives et autres prestataires – participent activement aux efforts de protection et de conservation. Au niveau de la coopération régionale et internationale, le Programme régional pour la gestion durable des zones côtières de l’océan Indien (ReCoMaP), cofinancé par la Commission de l’océan Indien (COI) et l’Union européenne (UE), a été initié pour le zonage côtier basé sur des considérations économiques, sociales et environnementales intégrées. Le programme ReCoMaP a, entre autres, fourni le financement de démarrage en 2009 pour un projet d’aménagement d’aires de conservation marine volontaire Reef Conservation (voir hors-texte à la page 54).

En collaboration avec le gouvernement des Seychelles, la COI a aussi organisé, à travers son programme SmartFish, une réunion de haut niveau sur « Les nouvelles approches pour une pêche durable » en mars 2014. La COI a également signé en avril dernier une convention de financement avec l’UE relative à continuité jusqu’en 2017 du projet « ISLANDS » pour le développement durable de ses pays membres. La première phase du programme, qui réunit les principales parties prenantes, s’est étendue d’août 2011 à juin 2014. Le PNUD est, pour sa part, très actif sur le plan environnemental depuis une vingtaine d’années à travers le Global Environment Facility Small Grants Programme (GEF SGP), programme de microfinancement du Fonds pour l’Environnement mondial.

La liste des initiatives entreprises n’est certes pas exhaustive, mais il semble plus que nécessaire d’intensifier les efforts au vu des défis à relever. Comme le souligne la coordinatrice nationale du programme GEF SGP du PNUD, Pamela Bapoo-Dundoo (voir hors-texte à la page 50), l’implication et la sensibilisation de la communauté sont également une composante-clé pour se donner une véritable chance de remettre notre environnement côtier et marin sur les bons rails. Même si elle dit constater « avec beaucoup de plaisir que les jeunes sont de plus en plus sensibilisés par rapport à l’environnement, je ne pense pas qu’ils sont suffisamment informés. Beaucoup de gens ne savent pas quel est leur impact environnemental ».

Le réalisateur sous-marin français René Heuzey tourne des documentaires pour différentes chaînes de télévision et se bat pour la préservation des océans depuis 27 ans. Il estime que « les gouvernements n’en font pas suffisamment par rapport à l’évolution que connaît la planète ».

« On sait très bien que les ressources de la mer ne sont pas inépuisables. Depuis une vingtaine d’années, par exemple, les quotas de pêche n’ont pas beaucoup bougé, mais la population mondiale a augmenté. Il faut laisser le temps aux poissons de se repeupler. » Le plongeur professionnel mauricien Hugues Vitry, avec qui il s’est lié d’amitié depuis le tournage en 1999 de Maurice et Rodrigues : joyaux des Mascareignes, estime pour sa part que même si l’aquaculture est la solution de l’avenir, « il y a plusieurs facteurs à prendre en considération afin d’éviter de faire n’importe quoi » (voir hors-texte à la page 28).

Ils se sont retrouvés en 2012 pour le tournage d’un autre film, cette fois-ci sur les cachalots qui vivent au large de l’île Maurice. Il donne également un coup de main à la Marine Mégafaune Conservation Organisation, une association fondée par Hugues Vitry, en emmenant deux fois par an des écotouristes dans l’île pour entreprendre le recensement de ces mammifères marins afin de constater l’évolution de la population.

Pour René Heuzey, qui a également été directeur de la photographie pour le film Océans, de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud (César 2011 du meilleur documentaire), « il faut aussi faire très attention à la pollution. Nous qui filmons sous la mer, quand on voit une tortue à moitié morte après avoir avalé un sac en plastique en croyant que c’était une méduse, c’est un signe alarmant. Je me souviens qu’il y a quelques années, j’arrivais à filmer pas mal de requins à l’île Maurice. Maintenant, c’est beaucoup plus difficile. Il faut aussi préserver les récifs coralliens, qui sont un des maillons principaux dans la chaîne alimentaire si on veut préserver notre écosystème. »

« On sent que maintenant, on commence à faire des choses, mais ça ne suffit pas », pense-t-il. « Il faut de plus en plus de moyens pour protéger l’environnement marin, qui est si fragile. C’est vrai que cela risque de coûter cher, mais quel prix donne-t-on à l’environnement ? »

MID 5E assUrer Un développement dUrable

Alors que l’objectif premier du projet Maurice, île Durable 5E (MID 5E) était de réduire la dépendance du pays des combustibles fossiles à travers une utilisation accrue de sources d’énergie renouvelables et une utilisation plus efficace de l'énergie en général, le concept a été élargi à tous les aspects de l’économie, de la société et de l’environnement, qui sont considérés comme essentiels pour assurer un développement durable. La protection des écosystèmes côtiers et marins figure parmi les actions environnementales préconisées par Maurice, île Durable 5E.

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